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À Paris, la place Pigalle fait peau neuve

EXCLUSIF. Le JDD dévoile le projet de réaménagement du célèbre quartier, qui fait la part belle au patrimoine, aux piétons et à la végétalisation.

Bertrand Gréco , Mis à jour le
Un aperçu de la rénovation de la Place Pigalle.
Un aperçu de la rénovation de la Place Pigalle. © Alékos Santantonios/PARIS/STRATEACT

Taille minuscule, renommée immense. La place Pigalle, connue dans le monde entier – elle a même une case au Monopoly –, couvre une surface de 2 500 mètres carrés – l’équivalent de deux piscines olympiques – en forme de demi-cercle. Bordée par le boulevard de Clichy, à la frontière des 9e et 18e arrondissements, et surplombée par Montmartre au nord, cette placette iconique se situe à l’épicentre d’un quartier qui a longtemps fait frissonner les bourgeois pour sa vie artistique et bohème d’abord, pour sa réputation sulfureuse ensuite, avant de se gentrifier depuis une vingtaine d’années. Pourtant, elle affiche aujourd’hui un visage décrépit. C’est pourquoi la Ville de Paris et la mairie du 9e ont décidé de lui offrir un lifting complet, que dévoile le JDD.

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« Il s’agit d’une jolie petite place typiquement parisienne, hautement patrimoniale et très fréquentée de jour comme de nuit, décrit Emmanuel Grégoire (PS), premier adjoint d’Anne Hidalgo, chargé de l’architecture et de l’urbanisme. Notre objectif est triple : valoriser ce patrimoine, avec la mise en valeur de la fontaine et ses candélabres historiques ; améliorer l’espace public, avec la création d’un grand plateau piétonnier ; et végétaliser, avec l’aménagement d’un anneau de pleine terre planté d’arbustes et de fleurs. » Le permis d’aménager a été validé en janvier. Les travaux d’assainissement débuteront en avril, pour un démarrage du chantier en juin et une livraison fin mars 2024. Budget : 881 000 euros.

De Monet à la Mano Negra

« Je porte ce projet depuis 2014, s’impatiente la maire du 9e, ­Delphine Bürkli (Horizons). C’est l’un des endroits les plus connus au monde, d’une formidable effervescence culturelle. Mais il a perdu de sa superbe. Il va enfin retrouver son visage d’antan, fleuri et avenant. Une renaissance ! » Le budget participatif de 2017 prévoyait déjà de ressusciter la place Pigalle ; le montant de l’enveloppe était alors de 245 000 euros. En janvier 2021, la mairie d’arrondissement a organisé une consultation citoyenne pour départager trois projets : le plus ambitieux, estimé à 500 000 euros, l’a emporté à une écrasante majorité. Mais le dossier a traîné en longueur avec la RATP et les architectes des bâtiments de France (ABF).

La place Pigalle a été aménagée en 1862 par l’architecte Gabriel Davioud (1824-1881) à l’emplacement de l’ancienne barrière de Montmartre. Sa fontaine a un temps servi d’abreuvoir au bétail en route pour l’abattoir et de lavoir pour les lavandières. Plus tard, et jusqu’en 1910, elle devint un lieu de rendez-vous, chaque lundi, pour les modèles attendant les artistes autour du bassin. Au no 11, là où s’élève aujourd’hui la discothèque Folies Pigalle, se trouvaient alors des ateliers d’artistes, dont celui de Puvis de Chavannes. Les cafés attenants, comme La Nouvelle Athènes, étaient fréquentés par Monet, Renoir, Van Gogh… mais aussi par Maupassant, Zola, Clemenceau. Dans les années 1920, les premières notes de jazz jouées en France le furent dans ce lieu foisonnant. C’est alors que se multiplièrent les bars à hôtesses, les cabarets, les cercles de jeu, autour desquels gravitaient prostituées et proxénètes ; puis les sex-shops, les cinémas porno, les boîtes à strip-tease.

Dans les années 1980-1990, Pigalle était encore un lieu interlope, le quartier rouge de Paris. L’écrivain-réalisateur David Dufresne a décrit cette époque dans un livre, New Moon – Café de nuit joyeux (Seuil). Il y raconte ce temple du rock alternatif, où se produisaient les Bérurier noir ou la Mano Negra… désormais supplanté par un magasin bio. Car le Pigalle populaire s’est depuis effacé au profit des « bars à bobos », des restaurants branchés ou des agences bancaires. Les prix de l’immobilier se sont envolés. Le quartier a même été rebaptisé « SoPi », pour « South Pigalle », à la new-yorkaise. Un grand nombre de start-up et de licornes de la French Tech se seraient d’ailleurs installées ici, selon Les Échos, qui parlent de « Silicon Pigalle ».

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Les Folies Pigalle devraient changer de vie à leur tour : « La propriétaire étant décédée, le bâtiment pourrait devenir un lieu culturel ; c’est à l’étude, confie Delphine Bürkli. Je lance aussi un appel à projets artistiques, avec la copropriété de l’avenue Frochot [une rue privée qui débouche sur la place], pour remplacer le portail par un mur peint d’ici à 2024. » Quant aux sex-shops et bars à hôtesses rescapés – encore nombreux alentour –, ils attirent toujours les touristes venus s’encanailler. « Pigalle, ce n’est pas uniquement le nom d’un quartier chaud et libertin, sourit Emmanuel Grégoire, c’est d’abord celui du sculpteur qui y vécut [1714-1785]. » Son prénom, Jean-Baptiste, est maintenant accolé à son patronyme sur les plaques de rue ; ça fait plus chic.

Priorité aux piétons

De même, le futur aménagement devra redonner son lustre originel au site. La place sera désencombrée ; la colonne de collecte de verre, déplacée sur le boulevard de Clichy ; les feux tricolores, remplacés par des priorités à droite. Les candélabres de style subsisteront mais seront modernisés en LED. Les sols arboreront des pavés en mosaïque sur la chaussée, des dalles en granit sur les trottoirs et le terre-plein central ou encore un revêtement d’asphalte clair, au croisement des rues Pigalle et Frochot. Le rond-point en demi-lune deviendra une « zone de rencontre » où les piétons seront prioritaires.

« Comme nous le faisons de plus en plus, nous rehausserons la chaussée au niveau des trottoirs afin que l’intrus soit l’automobile et non le piéton », précise le premier adjoint. Le terre-plein sera élargi au nord, côté boulevard de Clichy, de même que les trottoirs extérieurs, réduisant d’autant la place réservée aux voitures. Et des bancs Davioud revisités, en arc de cercle – comme ceux de la place de la Madeleine (8e) –, offriront une assise autour de la fontaine restaurée. Ces bancs sont fabriqués par la Ville de Paris sur la base de l’esthétique imaginée par l’architecte au XIXe siècle.

Enfin, la végétalisation s’étendra sur près de 400 mètres carrés : un massif circulaire de fleurs (géraniums, pervenches…) et de couvre-sol persistants (lierre, pachysandre du Japon…) autour du bassin, là où poussent déjà six micocouliers ; et des bandes végétalisées mêlant plantes vivaces et petits arbres de 2,50 mètres de haut le long des trottoirs agrandis. Le tout entouré de bordures en granit, façon rue des Martyrs (9e). « Ce projet est un démonstrateur de notre stratégie d’aménagement de proximité à Paris », précise Emmanuel ­Grégoire. Une nouvelle étape, plus sage, dans la folle histoire de Pigalle.

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